OH LA !
16 mars 2000
Reportage de Thierry MATEI
Photos : Patrick


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Jean Galfione, champion olympique et champion du monde en salle de saut à la perche, a troqué le bleu du ciel -où il est l'un des rares athlètes à avoir franchi la hauteur encore mythique des 6 mètres- pour le bleu de la mer. Pour l'association Jules Verne Aventures, qui tourne et réalise une série documentaire consacrée aux îles des mondes perdus, il a exploré Royale, Saint-Joseph et Le Diable, les trois ilots qui constituent l'archipel des îles du Salut, au large de la Guyane française. Pour Jules Verne Aventures, il a participé au tournage du premier documentaire d'une série consacrée aux îles des mondes perdus.

Depuis plus d'un siècle, les Volumes de Jules Hetzel, le libraire éditeur du 18 rue Jacob, à Paris, se transmettent comme des témoins de génération à génération. Le dernier des Mohicans, Vie privée et publique des animaux… Une course aux titres, jamais finie, en caractères dorés sur les larges dos couleur écarlate ou marine. Parmi cette littérature éducative et d'aventure, souvent héritage d'un ancien prix scolaire, les ouvrages de Jules Verne s'élèvent comme un phare. Cinq Semaines en ballon, Voyage au centre de la terre, Vingt mille lieues sous les mers... Au cours de son enfance, Jean Galfione les a tous lus.

Deux prix d'excellence plus tard -ceux de champion olympique de saut à la perche (Adanta, 1995) et de champion du monde en salle (Tokyo, 1999)-, Jean Galfione entre au conseil d'administration de l'association... Jules Verne Aventures. A 27 ans, il devient "responsable des opérations de terrain". Ce n'est pas un hasard. Jeune téléspectateur, le futur passeur de ciel ne manquait jamais les documentaires du commandant Cousteau : "Je ne comprenais pas comment on pouvait savoir autant de choses sur l'espace et en connattre aussi peu sur le monde marin, cet univers à des inîlliers de mètres de profondeur..." A 13 ans, Jean Galfione s'ancre pourtant dans l'élément air. L'adolescent parisien découvre la perche lors de son apprentissage du décathlon -sommet herculéen de l'athlétisme où il brille régulièrement aujourd'hui -, et décide alors d'épouser... la discipline du saut. Lui dont la mère fut gymnaste internationale, dont le père escrimeur participa aux J.O. de Tokyo (1964) et dont l'oncle fut champion olympique par équipe au fleuret à Mexico (1968) choisît la "catapulte" pour mode d'expression. Avec raison, celle de la passion : à l'Institut national des Sports (Insep), il est repéré par Maurice Houvion, l'un des grands entraîneurs du saut à la perche. Un "coach" qui devient le sien sur une trajectoire montante. Un nécessaire verso pour une pièce l'esprit et de situation (très physique) : la compétition. Un alter ego aussi, dont il dit : "Nous ne sommes pas comme père et fils, mais nous nous accordons une confiance extrême. Nous partageons tout dans cette aventure commune : les joies, les tristesses... et les coups de gueule."


Vitesse, mental, force, technique, qualités gymniques, stratégie... le jeune athlète progresse dans cette discipline si complète. Et explose au haut niveau : recorman de France cadet (1988), champion du monde junior (1990), six titres de champion de France, deux couronnes suprêmes... sans oublier l'inoubliable accession au sommet étoilé de ce jour, à Tokyo, lorsqu'il passe la barre psychologique, et la limite encore mythique, des 6 mètres. Un domaine où les acrobates se raréfient et où le "tzarévitch" devenu ukrainien, Sergueï Boubka, règne seul à une altitude supérieure dont il aimerait se rapprocher.



Célébrité, parfois icône de défilés de mode ou acteur de spots publicitaires, Jean Galfione n'a pourtant pas oublié le bleu de la mer. Lui qui, depuis dix ans, ne cesse de sauter d'un avion dans un autre pour concourir sur les stades du globe, a préservé ce rêve d'aventure marine, celui des illustrations des livres de Verne. Attaché à la Bretagne maternelle, ne rêve-t-il pas de traverser l'Atlantique à la voile ? Le tutoyeur d'azur aime d'ailleurs à côtoyer les grands navigateurs, de "vrais aventuriers", auprès desquels ce jeune posé de 28 ans n'hésite pas à modestement étalonner ses exploits personnels : "Il faut constamment relativiser ce que l'on fait. Et, surtout, ne pas se laisser griser par son image."


La mer s'est rappelée à lui, sous la forme des îles. D'abord l'île continent, l'Australie, et sa ville au pied des montagnes bleues, Sydney, où il doit défendre son titre de champion lors des J.O. de cet été. Où il est déterminé à gagner : "L'Australie, c'est un rêve de gosse. Ça me rappelle ces globes terrestres que les professeurs nous montraient en classe. On nous désignait d'abord la France, puis l'Australie, de l'autre côté du globe. L'Australie, c'est le bout du monde, un pays de sport que j'espère avoir le temps de visiter."

Et puis, pendant un mois, en 1999, il a exploré les trois îlots d'un archipel au large de la Guyanne française : Royale, Saint-Joseph et Le Diable, les îles du Salut. Pour Jules Verne Aventures, il a ainsi participé au tournage du premier documentaire d'une série consacrée aux îles des mondes perdus.

Qui mieux que lui pouvait incarner cette mission à la Indiana Jones pour une association qui a élu domicile à l'Institut océanographique de Paris et dont le but est de sensibiliser le grand public de lui faire partager l'expérience des aventuriers et des scientifiques ?
Mais aussi, par des productions multimédias et son festival du film Jules Verne, de déclencher chez les jeunes la passion de la découverte, le désir de repousser les limites de l'inconnu, et d'informer sur les problèmes environnementaux ? Pour Jean Galfione, cette découverte des îles du Salut et de la région du bagne de Cayenne a répondu à sa définition de l'aventure : "Un mélange de sentiment de liberté et d'une envie de rêver, de s'instruire et de se faire plaisir."


"Jean" adore découvrir de nouveaux horizons et les présenter à ceux qui ne peuvent s'y rendre, et les deux responsables de l'association qui l'accompagnaient dans ce périple ont pu filmer ce collier d'îles un peu oubliées dans toutes leurs dimensions. Habitants, faune, flore et vestiges d'une histoire terrible. La France, en effet, dès 1851 avait organisé la " transportation " de forçats " volontaires " vers les terres lointaines. En 1852, le premier convoi mouillait à la royale, la plus garnde des îles. La déclaration de Sarda-Garriga -le Commissaire général de la République qui l'accompagnait- est restée célèbre : "Mes amis, il n'y a pas sous le soleil de plus beau pays que celui-ci, ni de plus riche. Il est à vous, le prince Louis Napoléan m'envoie vous le partager…"


Les vestiges, désormais corsetés par la végétation, demeurent. Une mémoire, avec le bagne de Cayenne, en laquelle persiste les souffrances de 60 000 forçats, parmi lesquels Papillon, Seznec et Dreyfus. Au large du centre spacial de kourou, les barreaux des géôles, toujours tendus comme autant de perche empêchant l'envolée dans la libre beauté de ces îles, ont frappé Jean Galfione : "La guyanne regorge de contrastes, particulièrement celui du centre spacial voisinant avec les îles du salut où Dreyfus purgea sa peine. Etrangement, cela a un côté poétique."

Nous prêterons donc à jean Galfione, amoureux des grands espaces et des éléments qu'il doit apprivoiser lors des compétitions, les mots de Jules Verne. Ceux du Capitaine Némo, mâitre du Nautilus, au professeur Aronnax : "La mer n'est que le véhicule d'une surnaturelle et prodigieuse existence ; c'est l'infini vivant… La mer est le vaste réservoir de la nature. C'est par la mer que le globe a pour ainsi dire commencé, et qui sait s'il ne finira pas par elle… Là est la suprême tranquillité. La mer n'appartient pas aux despotes… là seulement est l'indépendance ! Là, je ne reconnais pas de maître ! Là, je suis libre !".

© mars 2000 - OH LA!
Interview : Thierry MATTEI
Photos : Patrick