L'Equipe
19/06/98
Meeting d'athlétisme d'Athènes le 18/06/98
Propos recueillis par Alain Luzenfichter


"...Jean , vous êtes sans doute très heureux de ce retour au sommet?

Plus que vous ne le croyez, car même si je n'ai jamais douté de mes capacités, certains ne se sont pas génés pour me pousser vers une retraite anticipée.

Qu'aviez vous pour être si loin des espérances que l'on avait placées en vous?

La perche est une discipline qui, plus que tout autre, est dangereuse. Nous sommes les acrobates, les saltimbanques de l'athlétisme. C'est sans doute à cause de cela que je l'ai choisie. Mais c'est aussi une discipline où les blessures sont les plus nombreuses. Après Atlanta, je me suis fait mal à une vertèbre, et j'ai été victime de plusieurs tendinites. Il n'en faut pas plus pour vous écarter des sommets.

Avez-vous douté de votre retour?

Non pas spécialement. Mais cette petite traversée du désert m'a sans doute été salutaire. Je connais mieux les hommes, leurs réactions et la manière de se comporter dans cet univers impitoyable.

Vos relations avec Maurice Houvion, votre entraîneur, sont-elles toujours aussi bonnes?

Maurice est un homme merveilleux qui est à la base de tous mes succès. Certains n'ont pas hésité à tenter de nous séparer lorsque j'étais dans le trou mais j'ai tenu bon et je m'en félicite. Nous avons parfois des divergences mais sur le fond nous sommes toujours sur la même longueur d'ondes. C'est le principal.

Alors c'est reparti?

Tout à fait., et c'est sans doute la dernière fois. J'avais décidé de ne pas faire de compétitions en salle et de m'entraîner. mais le démon de la compétition reprend le dessus et j'ai programmé trois meetings. Cela a été la catastrophe et je mérite toutes les critiques qui ont suivies. J'ai un certain standing à tenir et je ne dois me présenter en compétition que lorsque je suis en pleine possession de mes moyens.

Etes-vous revenu en forme "olympique"?

Je pense qu'aujourd'hui je suis revenu dans l'univers que je n'aurais jamais dû quitter, celui des hommes de pointe. Mais en perche si vous n'avez pas l'enthousiasme, vous ne pouvez rien faire. Il me fallait avant tout retrouver la confiance. Il était temps. Mon record de France (5.94 m) datait déjà de quatre ans et je ne pouvais fêter mon 27e anniversaire qu'en faisant une très grande performance. J'ai un peu de retard (son anniversaire était le 09 juin) mais je suis heureux.

Revenons à ces 5.97 m . Que vous inspirent-ils?

En premier lieu beaucoup d'espoir pour le proche avenir car j'ai encore des choses à prouver. Même si ce n'était pas une revanche, je suis arrivé sur le sautoir d'Athènes en me rappelant que c'était là que j'avais été incapable de franchir la moindre barre en finale lors des Championnats du Monde. 5.97m n'est qu'une simple hauteur de passage.

Bubka est-il venu vous féliciter?

Serguei est un gentleman. Il a été le premier à venir me voir pour m'encourager et me féliciter.

Les 6 m, c'est pour bientôt?

C'est pour demain...ou après demain, ce n'est qu'une question de conditions. Cette barre mythique , je l'a veux.

Préférez-vous les titres ou les records?

Avant Atlanta, les titres m'importaient plus. Maintenant ce sont les records car il est toujours plaisant de pouvoir se placer dans la hiérarchie mondiale pour ne pas laisser dire que mon titre olympique est un coup de chance. Pourtant je n'ai pas été champion d'Europe (3e à Helsinki en 1994)...alors pourquoi pas cette année (en août à Budapest). "

(extrait de l'Equipe du 19/06/98 ).