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07/04/2000
Galfione ne laisse rien au hasard
Par Lionel Grillot


Par une journée ensoleillée de début avril, Jean Galfione s'entraîne à l'Insep sous la houlette de son "père spirituel", Maurice Houvion. Du physique, encore du physique, surtout du physique. Et de la course, comme un souffle de récréation. Finalement très peu de sauts. Récit d'une journée ordinaire d'un champion olympique bien décidé à défendre son titre en septembre à Sydney...

L’œil rivé sur la piste, Maurice Houvion retient son souffle. Jean Galfione avale goulûment les six haies dressées sur son chemin avant qu’un sourire n’illumine le visage de son perfectionniste père spirituel. "C’était bien, mais tu attaques peut-être d’un peu trop près les deux premières haies" avance délicatement Houvion.


Jean Galfione et Maurice Houvion (TempSport)

"Non, non, c’est bon, je t’assure" réplique Jean. Maurice esquisse à nouveau un sourire… Jean s’élance à nouveau, le port altier. Léger haussement de sourcil du mentor qui apprécie. "C’était parfait" assène-t-il, avant d’ajouter : "Il a quand même corrigé ses premières foulées."

"Mais j’ai les tendons en feu, réplique Jean. Bah… c’est comme ça depuis six ans. "

En aparté, Maurice Houvion ne prend pas la remarque à la légère. "S’il faut arrêter l’entraînement, c’est la chute verticale. Tout fout le camp! Le moral comme le physique."

Le physique surtout, le moteur de l’athlète. "Sans lequel on ne peut pas sauter haut" admet Galfione. Alors Jean se plie à tout. "Travailler le physique, ce n’est pas ce que je préfère, mais ce n’est pas le bagne. On essaie surtout de rendre ça la plus ludique possible."

Deux séances de perche sur dix entraînements en moyenne !

Et à raison de deux entraînements par jour, Galfione "bouffe" en ce moment du physique. Musculation du haut du corps, avec séances en développé-couché et séries de charges lourdes (130 kg) ou légères (70 kg) à soulever. Musculation toujours, avec des courses où il faut traîner un chariot de 15 kg, parfois lesté soi-même d’un gilet de plomb de 10 à 20 kg…

D’autres courses aussi, pour la résistance, avec des 150 mètres en côte, enfin ces exercices de haies, l’épreuve la plus ludique. "Elle oblige le perchiste à adopter une attitude de course haute et c’est très utile pour le rythme, car les trois-quatre dernières foulées avant l’attaque d’une haie ressemblent aux foulées nécessaires avant l’attaque du butoir" souligne Houvion le technicien.


Un duo couvert de succès (TempSport)

Mais jamais aucun temps n’est pris… "Il ne s’agit pas de battre des records mais d’un travail technique de course" ajoute Maurice.

Et Galfione d’ajouter : "Le secret de la perche, c’est de pouvoir enchaîner des mouvements qui servent à traduire une vitesse horizontale à la verticale."

S’il court, Jean saute peu ! "Je ne prends les perches qu’une ou deux fois sur dix séances, signale-t-il. Même en pleine saison, je ne saute que trois fois sur dix ! Faut avoir la frite pour ça, il faut emmagasiner du jus et garder son enthousiasme."

Fort sur ses jambes et moral d’enfer

Dans une dizaine de jours, le groupe Houvion va partir en Martinique et entamer toutefois un nouveau cycle de travail, moins lourd et plus qualitatif. Moins de musculation, davantage de sprints courts, enfin du travail avec les perches. Pour Galfione, on commence avec les plus petites (4,60m-4,80m) et les plus flexibles, avant de garder les perches longues (5,20m) et dures pour les grands événements.

On va aussi travailler la course d’élan (47 mètres), qui peut varier si on s’attaque à des sommets et que le champion olympique décrit : "Il faut courir relâché, prendre de la vitesse et gagner en puissance, cumuler ces deux aspects à 15 mètres du butoir, avant, sur les trois ou quatre dernières foulées, de mettre du rythme. L’objectif est de se rendre disponible pour donner une impulsion parfaite avec l’aide du bassin."

A l’entraînement, le champion olympique peut alors voltiger au dessus de l’épais fil en mousse. "C’est plus pratique et moins traumatisant qu’une barre, un athlète n’a pas la même retenue" explique Houvion. Ne pas voir une barre tomber, permet aussi de croire que toutes les hauteurs sont à la portée de l’athlète…

"Mais en fait, avec le fil qui peut se déplacer, on ne connaît jamais vraiment la hauteur exacte que l’on saute, reprend Jean Galfione. Et au fond, je préfère ça ! Mais à la seule impulsion, je sais si je saute haut ou pas…"

Et ça lui suffit. Maurice Houvion a d’autres repères et avoue à demi-mots que les premiers tests passés récemment par Jean sur des sprints de 40 ou 50 mètres, où seuls les dix derniers mètres sont chronométrés électriquement, se sont révélés… enthousiasmants. "Jean se situe déjà au niveau de son record (0’’96). Il se sent fort sur ses jambes et a un moral d’enfer."

Pourvu que ça dure…